Campagne de réparation gratuite des fistules à Beni et Lubero

Le 03 Septembre 2020, une campagne de réparation gratuite des fistules, prolapsus génitaux et autres complications gynécologiques est lancée à l’Hôpital Général de Référence de Beni. Les bénéficiaires sont les femmes des territoires Beni et Lubero, et celles vivant dans les régions avoisinantes. Elles sont nombreuses, ces patientes qui ont attendu impatiemment l’arrivée de la Clinique Mobile d’uro-gynécologie de l’hôpital HEAL Africa de Goma dans la partie Nord de la province du Nord-Kivu. Initialement prévu à l’HGR de Mabalako, le lancement de la campagne a eu lieu à l’HGR de Beni suite aux impératifs sécuritaires dans la région, avant de continuer à l’HGR de Lubero.

Reprise des réparations des fistules après deux ans d’interruption à Beni

Cela faisait plus de deux ans que les campagnes de réparation des fistules obstétricales, prolapsus génitaux et autres complications gynécologiques par HEAL Africa à l’HGR de Beni ont été interrompues. C’est finalement le 03 Septembre 2020 que cette activité salutaire pour celle qui donne la vie a été relancée. Elles avaient du mal à contenir leur joie, toutes ces femmes qui n’en pouvaient plus de subir les supplices des pathologies qu’elles portaient.

Maliabo –nom d’emprunt– venait de passer 10 ans avec une fistule qu’elle avait contractée en 2010 à Mambasa, lors de son dernier accouchement. « J’avais su que j’avais une chance d’être réparée juste après la dernière campagne que HEAL Africa avait menée ici à Beni en 2018. Voici, deux ans après, que la providence ramène les spécialistes à Beni pour mon plus grand soulagement » , a-t-elle reconnu.

C’est, initialement, à la suite de la dixième éruption de la maladie à virus Ebola annoncée en province du Nord-Kivu, territoire de Beni, que les campagnes ont été suspendues. L’état d’urgence décrété en RD Congo au mois de Mars 2020 en aval de la pandémie à Covid-19 n’a rendu la poursuite des campagnes que plus difficile, les voyages n’étant plus possibles dans le contexte des impératifs des mesures barrières.

Une intervention dans un contexte de désespoir à Lubero

« Cette première campagne menée par HEAL Africa en territoire de Lubero s’annonce comme une voie de sortie pour toutes ces femmes qui se sont retrouvées dans l’obligation de vivre avec l’insupportable fardeau de leurs fistules durant de longues années par le fait du manque de spécialistes dans la région » , observe Mme Marie-José, adjointe de l’administrateur du territoire de Lubero avant de poursuivre, « Il y a maintenant plus de 26 ans que nous vivons une insécurité persistante ; l’activisme de HEAL Africa nous semble une providence » .

Du village Kaheri, près de 45 kilomètres de la commune rurale de Lubero, Kanyere –nom d’emprunt– a confié à ses bienfaiteurs lors de sa sortie d’hôpital, « J’étais âgée de 18 ans, en 1980, lorsque j’ai contracté ma fistule en accouchant ; j’ai dû la supporter 40 ans durant par manque de soins appropriés. Je voudrais bien exprimer ma gratitude envers HEAL Africa et le Fonds Social de la RDC pour cette intervention qui m’a guérie, mais mes mots ne sont pas à la hauteur de ce que je ressens » .

Créé en 1925 comme centre de dépistage de la peste, la structure connue actuellement comme Hôpital Général de Référence de Lubero ne l’est devenue qu’en 1960 sous l’effet de l’évolution démographique qui a nécessité la mise en place de services de santé communautaire. « Depuis tout ce temps qu’il existe, l’hôpital n’a pas connu de réhabilitation effective » , avance MUHINDO MAKASI, Administrateur Gestionnaire de la structure.

Avec une capacité d’accueil de 111 lits, l’hôpital reçoit des cas référés de plus de 19 centres de santé avoisinants, desservant une population qui vit de la culture de subsistance. L’électricité demeure son défi majeur, juste comme le fait observer MUHINDO MAKASI, « Nous avons parfois du mal à bien assister nos malades suite à ce déficit » .

« Une pratique traditionnelle en territoire de Lubero, dénommée ku kulukya, semble maintenir élevé le risque de contracter une fistule dans la région » , observe un ancien directeur d’école rencontré sur place à Lubero. La pratique consiste à payer deux chèvres pour régler une histoire de grossesse, même chez les filles mineures. Il ajoute, « 85% de mes élèves filles étaient soit enceintes soit mères, en 2016 » . Les grossesses précoces figurent parmi les facteurs de risque des complications qui peuvent, ultérieurement, déboucher sur une fistule.

Une opportunité de remise à niveau pour le staff soignant local

« Nous ne sommes pas là uniquement pour réparer les femmes porteuses de fistules, nous devons aussi nous assurer du caractère éducationnel des campagnes que nous menons pour les équipes locales des structures où nous intervenons. Après leur participation, le personnel local doit être capable d’identifier une fistule, apporter les premiers soins et, surtout, appliquer les principes de prévention de la fistule obstétricale ».

Les responsables des structures de santé de Beni et Lubero s’accordent sur le fait que leur collaboration avec HEAL Africa ne pouvait tomber mieux. C’est ce qu’a également noté le Maire de la ville de Beni qui a soulevé les conséquences néfastes des conflits qui persistent dans la région, et qui font de la femme « sa victime expiatoire». La forte présence des groupes armés amplifie le viol.

Il est donc primordial d’assurer des soins de proximité pour ces communautés si longtemps affligées par le conflit qui persiste dans la région. « A considérer ce que couterait une intervention dans un hôpital approprié, personne dans mon village ne pourra même rêver de se la payer » , observe Jeannot B., qui a accompagné son épouse a l’HGR de Lubero pour réparation de sa fistule durant la campagne.